Perspectives sur les matières premières : Pressions cycliques contre forces structurelles
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Les matières premières ont profité d’un fort renouveau ces dernières années, avec un rendement des matières premières générales à 27 % en 2021 et à 15 % en 2022 (Graphique 1). Une combinaison de soutien fiscal et monétaire dans les premières phases de la pandémie de COVID-19 a permis d’atténuer la détérioration de la demande causée par l’un des chocs économiques les plus importants des temps modernes. Avec la levée des restrictions liées à la COVID-19, la demande en matières premières a fortement rebondi.
En 2022, l’invasion de l’Ukraine a créé un choc d’offre, restreignant l’approvisionnement en énergie et en produits agricoles et supportant davantage le prix des matières premières. Alors que de nombreuses banques centrales des pays développés ont resserré leur politique monétaire pendant la première moitié de 2022, les pressions inflationnistes sont devenues les plus extrêmes depuis 1981.
Il a été prouvé une nouvelle fois que les matières premières sont la meilleure catégorie d’actifs pour faire face à cette inflation extrême. Après avoir possiblement pris du retard, les banques centrales des pays développés ont cherché à prendre de l’avance et ont adopté les politiques les plus fermes depuis le début des années 1980. Les matières premières sont apparues comme un refuge face à la tempête.
Graphique 1 : Performance des actifs pendant cette dernière décennie
Source : WisdomTree, Bloomberg, données jusqu’au 31/12/2022. Tous les rendements sont en dollar ; les rendements sur 10 ans sont annualisés du 31/12/2012 au 31/12/2022. Données : Actions – MSCI World, Obligations – Bloomberg Barclays Agg Sovereign TR Unhedged, Immobilier – EPRA/NAREIT Global, Matières premières – Optimized Roll Commodity Total Return Index, Liquidités – Bons du Trésor américain à trois mois.
Les performances passées ne sont pas une indication des performances futures et tout investissement peut perdre de sa valeur.
Des vents contraires cycliques ont émergé
Les matières premières, souvent vues comme un actif performant en fin de cycle, ont fait face à des difficultés fin 2022. Les prix de l’énergie, qui ont propulsé la classe d’actif, ont baissé au troisième trimestre 2022, rejoignant les métaux, qui étaient faibles depuis le premier trimestre 2022. La décélération économique venant des restrictions monétaires dans les pays développés a pesé sur la classe d’actif. Les indicateurs composites avancés (CLIs), conçus pour fournir des signaux précoces de points de retournement dans les cycles économiques, ont pris un virage décisif avant même le début de 2022 (Graphique 2). La performance des matières premières a culminé plus tard en 2022. Les CLIs sont toujours en baisse, indiquant que les vents contraires cycliques auxquels les matières premières font face sont toujours présents.
Graphique 2
Source : WisdomTree, Bloomberg, OECD, juin 1961 à février 2023. Prix des matières premières basé sur le Bloomberg Commodity Total Returns Index. L’indicateur composite avancé (CLI) est conçu pour fournir des signaux précoces de points de retournement dans les cycles économiques montrant une fluctuation de l’activité économique autour de son niveau potentiel à long terme. Les CLIs montrent les mouvements économiques à court terme en termes qualitatifs plutôt que quantitatifs. Le CLI est ajusté à l’amplitude ; moyenne à long terme = 100.
Les performances passées ne sont pas une indication des performances futures et tout investissement peut perdre de sa valeur.
La réouverture de la Chine pourrait contrer les vents économiques contraires ailleurs
Le rebond économique mondial qui a eu lieu en 2021 et 2022 ainsi que la reprise des matières premières qui l’a accompagnée ont en grande partie eu lieu sans la contribution de la Chine. Les responsables politiques chinois ont mené une politique zéro COVID jusqu’en novembre 2022, ce qui a paralysé leur économie, menant à une croissance décevante. Même si les exportations chinoises sont restées relativement fortes en raison de la demande internationale pour les biens chinois, les ruptures d’approvisionnement constantes ont restreint les volumes exportés pendant la période zéro COVID.
Maintenant que la Chine a abandonné sa politique zéro COVID, l’activité économique domestique connaît une forte reprise. Les chiffres de janvier et février de l’indice des directeurs d’achat (PMI) en 2023 sont d’ailleurs encourageants (Graphique 3). Les PMI des industries manufacturières et non manufacturières ont tous deux clairement dépassé 50 (la démarcation entre croissance et contraction). Les chiffres de février (publiés le 01/03/2023) montrent que les indices PMI manufacturiers ont atteint des niveaux jamais vus depuis 2012, soulignant que la reprise d’origine nationale touche l’industrie ainsi que les services (l’industrie étant plus dépendante aux matières premières que les services, on peut dire que c’est le plus important des deux indicateurs).
Graphique 3
Source : WisdomTree, Bloomberg, janvier 2007 à février 2023. Un indice supérieur à 50 indique une expansion. Un indice inférieur à 50 indique une contraction. Les pointillés marquent cette démarcation.
Les performances passées ne sont pas une indication des performances futures et tout investissement peut perdre de sa valeur.
Qu’en est-il du supercycle des matières premières ?
Nous pensons que les matières premières devraient bénéficier du soutien structurel à long terme d’une transition énergétique et d’une reprise des dépenses d’infrastructure. Ces catalyseurs pourraient aussi conduire à un autre supercycle des matières premières. Les supercycles coïncident avec les périodes d’industrialisation et d’urbanisation quand l’offre de matières premières ne parvient pas à suivre la croissance de la demande. Le dernier supercycle s’est produit après l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, ce qui a stimulé le développement en supprimant les obstacles au commerce. Après deux fortes années de performance du marché des matières premières (2021 et 2022), sommes-nous sur le point d’avoir un autre supercycle ? Nous pensons qu’il existe des fondements structurels forts, mais les dynamiques du cycle économique, incluant un risque de récession croissant, pourraient dominer la pratique tarifaire sur le court terme.
Transition énergétique
Dans un scénario visant zéro émission nette d’ici 2050 pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels, une augmentation conséquente de la demande en métaux devrait avoir lieu. Les métaux sont essentiels pour la fabrication de batteries, l’électrification de la consommation d’énergie, les électrolyseurs, les pompes à chaleur et autres technologies nécessaires à la transition énergétique. Les données de l’Agence internationale de l’énergie montrent que dans un scénario à zéro émission nette, l’offre en matières critiques sera largement insuffisante face à la demande, à la fois en termes d’exploitation minière et de production de matériaux (Graphique 4).
Graphique 4
Source : WisdomTree, International Energy Agency, Energy Technology Perspectives 2023.
Les prévisions ne sont pas un indicateur des performances futures et tout investissement est soumis à des risques et des incertitudes.
Le rebond de l’infrastructure
Aux États-Unis, trois lois avec des priorités qui se chevauchent partiellement (le projet de loi Bipartisan infrastructure de 2021, le CHIPS and Science Act d’août 2022 et la loi sur la réduction de l’inflation, ou IRA, d’août 2022) ont un budget combiné de près de 2 billions de dollars en dépenses fédérales, et les projets d’infrastructure intensifs ne font que commencer.
En comptant seulement le financement de l’énergie permit par le projet de loi bipartisan et la loi sur la réduction de l’inflation, un total de 370 milliards de dollars US est prévu pour les 5 à 10 prochaines années, principalement pour faciliter une transition vers l’énergie propre (Graphique 5). L’IRA encourage l’approvisionnement en ressources essentielles au niveau national. Afin de répondre aux exigences de la chaîne d’approvisionnement, nous prévoyons d’importantes dépenses d’infrastructure pour l’extraction, le traitement et la fabrication des minéraux.
Graphique 5
Source : McKinsey : « The Inflation Reduction Act: Here’s what’s in it », octobre 202.
Les performances passées ne sont pas une indication des performances futures et tout investissement peut perdre de sa valeur.
Le plan REPowerEU de l’Union européenne, conçu pour sevrer le bloc économique de la dépendance à l’hydrocarbure russe, nécessitera également de grandes dépenses en infrastructure énergétique. L’UE est déjà en train d’acquérir de la capacité en gaz naturel liquéfié à une vitesse folle, avec pour objectif de développer ses capacités d’un tiers d’ici 2024.1 L’UE estime que la concrétisation des objectifs REPowerEU va nécessiter un investissement additionnel de 210 milliards d’euros entre 2022 et 2027.
La « course à l’armement » de l’industrie verte commence
Après des décennies de sous-utilisation des fonds alloués aux objectifs de la politique climatique auxquels les gouvernements ont souscrit, nous assistons peut-être à un tournant. Certaines des caractéristiques protectrices de l’IRA (exigences en matière d’approvisionnement régional) peuvent favoriser des politiques de sanction qui poussent à un approvisionnement ailleurs. De nombreux pays reconnaissant la domination de la Chine pour des matériaux essentiels ont déjà conçu des politiques visant à atténuer le risque d’une dépendance excessive à l’égard de ce pays. Ce processus est susceptible d’entraîner une recrudescence des dépenses en infrastructures vertes hors Chine au niveau mondial.
Conclusions
Après plusieurs années de surperformance du marché des matières premières, la classe d’actif connaît déjà des vents contraires cycliques. Cependant, la réouverture de la Chine va probablement atténuer certaines de ces pressions, et on constate des signes timides du rebond de l’économie chinoise. Les matières premières vont probablement être soutenues par des politiques mondiales pour une transition énergétique. Alors que les dépenses en infrastructure générale pourraient également être confrontées à des vents contraires cycliques cette année, les dépenses en infrastructure verte sont susceptibles d’entraîner une nouvelle « course aux armements », les pays se faisant concurrence pour soutenir leurs industries et maintenir la sécurité de l’énergie et des ressources.
Sources
1 https://www.eia.gov/todayinenergy/detail.php?id=54780
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