Podcast Behind the Markets : Trevor Greetham de Royal London Asset Management parle de la gestion de portefeuilles multi-actifs
Le 17 mars 2023, nous avons eu le plaisir de discuter avec Trevor Greetham, le Directeur multi-actifs à Royal London Asset Management.
Royal London est la plus grande compagnie d’assurance vie appartenant aux clients d’Angleterre. Elle compte environ 2 millions de clients. La division gestion des actifs gère 177 milliards de dollars d’actifs, mesurés en dollars, avec 100-120 milliards de dollars en multi-actifs, faisant sentir que quand Trevor parle de différents positionnements, il parle d’un portefeuille très large.
L’inflation devient une « spikeflation »
Chacun propose un point de vue différent sur la situation de l’inflation mondiale en 2023, soulignant le contraste entre la décennie après la crise financière mondiale de 2008-09 et où nous en sommes aujourd’hui. Trevor pense qu’une gamme de facteurs macro, notamment la démondialisation, l’approvisionnement limité en combustibles fossiles pendant la transition vers le zéro émission net et un paysage géopolitique incertain, suggèrent que nous vivons dans un monde plus enclin à l’inflation qu’au cours des quatre dernières décennies.
La Banque d’Angleterre (BOE) partage l’objectif de la Réserve fédérale des États-Unis de ramener l’inflation à une fourchette autour de 2 % mais, pendant 2022, l’inflation au Royaume-Uni a culminé à environ 11,5 %, un dépassement de 9,5 %. Le taux d’inflation est susceptible de retomber rapidement mais Trevor pense voir plus de ces épisodes de pic d’inflation puis de retombées, un phénomène qu’il appelle « spike-flation ».
Les trois grandes périodes de pic d’inflation de 1900 à aujourd’hui au Royaume-Uni (et Trevor a noté que la situation mondiale était assez similaire) sont la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, puis les années 1970. L’inflation globale a effectivement diminué après chacune de ces périodes, mais les niveaux de prix globaux ont été de deux à quatre fois plus élevés qu’au départ.
Stratégie de protection pour l’inflation
En cas de pics d’inflation, il convient d’utiliser des stratégies susceptibles de couvrir cet impact sur un portefeuille donné. Si Trevor s’est concentré sur une approche multi-actifs incluant l’immobilier commercial, dont les loyers peuvent augmenter avec l’inflation au fil du temps, il a surtout mis l’accent sur les matières premières pour ce qui est de se protéger contre l’inflation. Les matières premières ont historiquement fourni certains de leurs meilleurs rendements quand l’environnement était caractérisé par ces pics d’inflations mentionnés précédemment, et l’on peut noter que pendant ces pics il peut être difficile d’avoir de forts rendements venant des stocks ou des obligations.
On peut voir dans le Graphique 1 que les pics d’inflation ont été associés à certains des pires rendements de stocks et d’obligations qu’on ait vus depuis longtemps, avec 2022 pour exemple.
- Le Graphique montre les rendements annuels totaux du Trésor américain à 10 ans et de l’indice S&P 500, remontant à 1928 et allant jusqu’à presque 100 ans après 2022.
- Le diagramme de dispersion de gauche montre les rendements des actions et des obligations en termes nominaux. L’indice S&P 500 et le Trésor américain à 10 ans ont eu des rendements négatifs seulement quatre années : 1931, 1941, 1969, et 2022. Sur le côté gauche, 2022 correspondait notamment au plus bas point pour le Trésor sur l’axe vertical.
- Le diagramme de dispersion de droite montre les mêmes données mais en termes réels, soustrayant l’inflation à la fois des rendements de stock et d’obligation. Outre le fait que davantage de points sont placés sous l’axe horizontal, ce qui indique un rendement réel négatif pour les obligations, on peut également voir beaucoup plus de points (14 actuellement) dans le cadrant qui représente un rendement réel négatif pour l’indice S&P 500 et pour l’obligation d’État à 10 ans. La plupart, si ce n’est toutes, de ces 14 années ont été caractérisées par la tendance au « pic d’inflation » à laquelle Trevor faisait référence dans nos conversations.
Graphique 1 : Diagramme de dispersion des rendements de l’indice S&P 500 et des bons du Trésor américain à 10 ans
Source : Royal London Asset Management.
Les performances passées ne sauraient être un indicateur fiable des résultats futurs et tout investissement peut perdre de la valeur.
Stratégie d’allocation des matières premières
Nous avons approfondi la manière dont Trevor pense qu’une exposition aux matières premières devrait être mise en œuvre. Il y a eu une focalisation sur la diversification et les références établies du Bloomberg Commodity Index (BCOM). Le BCOM, pour résumer, se divise en trois groupements : environ un tiers d’exposition à l’énergie, un tiers d’exposition à l’agriculture et un tiers d’exposition aux métaux.
Il est toujours intéressant de comparer comment différents investisseurs examinent différentes références. Beaucoup d’investisseurs européens ne prennent même pas en considération le S&P GSCI Index (GSCI), puisqu’il ne correspond pas aux règles de diversification du cadre UCITS1. Lié au BCOM, le GSCI va être bien plus influencé par les mouvements des prix de l’énergie. Trevor a aussi évoqué son point de vue sur l’or et comment il peut être plus proche des monnaies que des matières premières dans ses comportements. Par exemple, un environnement où la Réserve fédérale des États-Unis réduirait ses taux et le dollar s’affaiblirait créerait un vent arrière intéressant pour l’or quand les matières premières industrielles pourraient être en difficulté.
Les politiques, taux d’intérêt et cycles de la Réserve fédérale des États-Unis
Trevor fait un parallèle entre les actions des banques centrales et la conduite d’une voiture. Il y a certaines informations que les conducteurs peuvent voir, notamment à travers les fenêtres ou grâce aux jauges, comme le compteur de vitesse, et, le plus souvent, de nombreuses petites « corrections de trajectoire » sont impliquées, mais pas de coups de frein ou d’accélérateur. Il a notamment raconté la débâcle au Royaume-Uni qu’a été le très court mandat de la Première ministre Liz Truss, où d’un côté la BOE essayait de freiner pour ralentir l’inflation, et de l’autre le gouvernement disait vouloir baisser les impôts et augmenter les dépenses déficitaires, appuyant ainsi sur l’accélérateur. Nous savons qu’une voiture ne peut être conduite de cette façon, et nous avons vu des tensions surgir dans les marchés au sein des stratégies Liability Driven Investment (LDI) utilisées par les fonds de pension du Royaume-Uni.
Un élément clé du point de vue de Trevor sur les marchés est sa profonde compréhension de l’histoire et de comment la période actuelle est liée aux différentes périodes passées. Nous avons déjà mentionné que, selon lui, les quarante dernières années représentent une anomalie, c’est-à-dire que l’inflation était en fait bien plus basse que ce qu’elle devrait normalement être, menant à des cycles économiques plus longs. Si l’on ne peut dire avec certitude si nous revenons ou non à quelque chose de similaire, Trevor nous a rappelé que, selon le National Bureau of Economic Research (NBER), en remontant aux années 1860, la durée d’un cycle économique moyen était plus proche de 5 ans. Une inflation plus haute et plus volatile pourrait nous faire revenir à des cycles économiques plus courts car les banques centrales vont devoir augmenter ou réduire les taux d’intérêt de manière plus percutante, et lorsqu’elles estiment en avoir fait assez, elles en ont généralement fait trop et ont « sur-corrigé » le cours de l’économie, ce qui a entraîné d’autres « booms » et d’autres « busts ».
Pour conceptualiser le cycle, Trevor a évoqué l’image d’une « Horloge de l’investissement », montrée en Figure 2.
- Trevor voit quatre phases distinctes du cycle économique global selon les forces de la croissance économique et la direction de l’inflation, les grandes flèches qui forment les rebords de la Figure 2.
- En théorie, le cycle se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre, de la déflation à la reprise, puis de la surchauffe à la stagflation.
- Les directions haut-bas de l’horloge montrent la cyclicité. Dans une économie forte, les stocks et les matières premières ont de meilleurs résultats que les obligations et les liquidités, quand les secteurs technologiques et industriels surperforment les défensives.
- Les directions gauches-droite sont la sensibilité à l’inflation. Les matières premières et les liquidités ont de meilleurs résultats que les actifs financiers quand l’inflation augmente, tandis que les secteurs ressource tendent à battre les secteurs financier et de biens de consommation.
- L’horloge de l’investissement est clairement très riche en informations. Le tracé de la figure 2 représente les relevés mensuels des indicateurs de croissance et d’inflation mondiaux propres à Trevor. Nous notons que le point jaune représente la dernière estimation, la baisse de l’inflation étant plus certaine alors que l’orientation à court terme de l’économie est moins claire.
Figure 2 : Horloge de l’investissement
Source : Royal London Asset Management.
Les performances passées ne sauraient être un indicateur fiable des résultats futurs et tout investissement peut perdre de la valeur.
Environnement actuel et différents points de vue régionaux
Trevor a aussi partagé son point de vue sur différents marchés des actions régionaux. En résumé, il pense que le Royaume-Uni et l’Europe sont des régions orientées sur la valeur. D’un autre côté, les États-Unis représentent une région plus étendue axée sur la croissance. Son commentaire le plus intéressant était peut-être au sujet de la Chine, et de comment elle pourrait faire sa reprise. Si nous entrons dans un régime où la Réserve fédérale des États-Unis baisse son taux directeur et que le dollar s’affaiblit, cela pourrait être un moment bien plus intéressant pour prendre en considération la Chine et les stocks des marchés émergents pour un positionnement non corrélé.
Conclusion : une masterclasse sur la gestion de portefeuilles mondiaux multi-actifs
Nous recommandons chaudement à tout investisseur intéressé par le gain de perspective sur différentes classes d’actifs et sur la façon de réfléchir à un vaste portefeuille multi-actif d’écouter cette discussion. Elle est disponible sur toutes les principales plateformes de podcast, ainsi qu’en cliquant ici.
Sources
1 Organismes de placement collectif en valeurs mobilières
Blogs associés
+ Perspectives sur les matières premières : Pressions cycliques contre forces structurelles
+ Matières premières : une source de diversification souvent oubliée