Une politique restrictive et les risques géopolitiques augmentent la probabilité d’une récession mondiale
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Quelle différence en un an ! En 2022, la réouverture des économies après le Covid a évolué en récession. Comme l’a dit de manière succincte Margaret Thatcher le 27 février 1981 : « La leçon est claire. L’inflation nous dévalue tous. » (« The lesson is clear. Inflation devalues us all. »). La politique monétaire a connu son durcissement le plus prononcé depuis des décennies, l’inflation étant passée de temporaire à potentiellement permanente au motif de la crise énergétique.
La politique conditionne l’économie, et pas l’inverse
Dans l’économie globale d’avant la guerre en Ukraine, la mondialisation était une source importante de faible inflation. Un large montant de l’épargne mondiale n’avait aucun endroit où être investi, tirant à la baisse les taux d’intérêt à l’échelle mondiale. Or après le début de cette guerre, les dépenses mondiales dans la défense ont atteint un niveau jamais observé depuis des décennies car la sécurité nationale occupe une place prépondérante dans les programmes des gouvernements. Cette situation donnera lieu à d’importants coûts d’opportunité liés à l’augmentation des dépenses militaires à l’échelle mondiale. Nous tablons sur un ralentissement du rythme de la mondialisation car l’Europe ne voudra plus jamais être dépendante de la Russie comme elle l’est aujourd’hui. Dans la même veine, les États-Unis ne souhaitent pas commettre la même erreur que l’Europe et ils chercheront à renforcer leurs liens avec Taïwan afin de garantir un flux régulier de microprocesseurs.
La sécurité nationale est inflationniste
Nous sommes au beau milieu d’une guerre en Europe en raison de la rude bataille que livre la Russie à l’Ukraine. Même si cette guerre se cantonne à l’Ukraine, nous en payons tous le prix en la laissant se poursuivre. Mais il existe une autre guerre qui se livre en toile de fond et que nous ne devons pas ignorer. Le renforcement des liens entre les États-Unis et Taïwan qui irrite la Chine.
La question taïwanaise demeure délicate. Le rôle de Taïwan dans l’économie mondiale était largement passé sous silence jusqu’à ce qu’il prédomine au moment où la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs a été affectée par une perturbation de la fabrication de puces taïwanaises. En 2020, les entreprises taïwanaises représentaient de plus de 60% du chiffre d’affaires des fabricants mondiaux de semi-conducteurs1. Les tensions entre Taïwan et la Chine pourraient avoir une forte incidence sur les chaînes d'approvisionnement des semi-conducteurs à l’échelle mondiale. La dépendance des États-Unis à l’égard des fabricants taïwanais de puces électroniques renforce ainsi leur motivation à défendre Taïwan contre une attaque chinoise. Le souhait de contrôler les technologies, les matières premières et les détroits ouvre la voie à de futures guerres économiques.
Schéma 1 : La Chine représente la plus forte proportion des échanges commerciaux de Taïwan
Source : Ministère des Finances taïwanais au 31 décembre 2021.
La performance passée ne présage pas de la performance future et la valeur de tout investissement peut évoluer à la hausse comme à la baisse.
La Chine doit mettre de l’ordre dans ses affaires
Les obstacles économiques auxquels la Chine est confrontée sont multiples. Malheureusement, l’assouplissement de la politique chinoise au 1er semestre 2022 n’a pas suffi à mettre un terme à l’ampleur du ralentissement. Dernièrement, le Conseil d’état chinois a intensifié ses mesures de relance économique en annonçant un plan de relance en 19 points d’un montant de 146 milliards de dollars (moins de 1 % du PIB) afin de doper la croissance économique2.
Les marchés immobiliers continuent de se détériorer. Le problème provient d’un manque de financement dont pâtissent de nombreux promoteurs et qui est nécessaire à la construction de leurs projets résidentiels. Cette situation s’explique par la décision prise par le gouvernement central en 2020 d’adopter la politique des « trois lignes rouges » destinée à freiner les emprunts excessifs dans le secteur immobilier. Les promoteurs immobiliers vulnérables ont du mal à obtenir des capitaux pour préserver leurs activités. Par ailleurs, la demande de logements a diminué en raison des confinements intermittents dus au Covid, d’une économie qui s’affaiblit et des doutes concernant la capacité des promoteurs à livrer des logements achevés.
Toutefois, la faiblesse de l’économie chinoise va au-delà du secteur immobilier et elle se caractérise par une hausse du chômage et des pénuries d’énergie. La croissance bénéficiaire des entreprises chinoises depuis le 3ème trimestre 2019 est restée en retrait de celle du reste du monde. La Chine a également enregistré d’importantes sorties de capitaux en raison de son adoption de la politique zéro Covid qui a retardé son rééquilibrage vers une économie tirée par la consommation et qui fait de la Chine une économie restant davantage dépendante d’une croissance tirée par ses exportations. Toutefois, la demande d’exportations a commencé à fléchir en raison du ralentissement des économies du reste du monde.
Les États aux prémices d’une récession
Dans le contexte actuel marqué par la crise énergétique persistante, l’économie américaine semble être une valeur-refuge car elle est moins exposée aux caprices de l’offre de pétrole russe. Elle s’est également redressée plus rapidement après la pandémie par rapport au reste du monde. Son marché du travail reste en très bonne santé comme en témoigne la poursuite des créations d’emplois, l’accélération des salaires, une consommation qui continue de croître (plus lentement cependant) et le point bas de 5 décennies auquel s’établit le chômage. Malgré la récente progression de la croissance de son PIB due aux perturbations provoquées par les chiffres sur le commerce extérieur et aux détails techniques des chiffres sur les stocks, le scénario central d’un ralentissement économique face à un durcissement monétaire agressif demeure inchangé. Nous observons également des signes croissants de ralentissement, notamment du secteur immobilier en raison de l’augmentation rapide des taux des prêts hypothécaires.
Schéma 2 : Le repli des indicateurs économiques avancés ravive les craintes de récession
Source : Bloomberg, National Bureau of Economic Research, WisdomTree au 30 septembre 2022.
La performance passée ne présage pas de la performance future et la valeur de tout investissement peut évoluer à la hausse comme à la baisse.
Les bénéfices de l’année 2022 ont été le reflet de l’environnement difficile auquel sont confrontées les entreprises américaines, la croissance bénéficiaire s’étant effritée à 3,17 %3. Les secteurs davantage ‘value’, à l’image de l’énergie, de l’industrie et des matériaux, continuent de surperformer. Les révisions bénéficiaires des entreprises de l’indice S&P 500 sont fortement négatives, suggérant une baisse imminente de la croissance bénéficiaire.
Les pressions exercées par l’inflation sous-jacente demeurent préoccupantes, notamment celle des loyers et des soins médicaux, des composantes qui sont généralement plus stables que l’inflation des marchandises et des transports. L’inflation élevée des services traduit la forte dynamique du marché du travail car les services sont à forte intensité de main-d'œuvre et établis localement. La Réserve fédérale (Fed) semble peu disposée à crier victoire dans sa lutte contre l’inflation. Il est clair que son rôle consistant à réduire l’inflation sans plonger l’économie en récession sera au centre des débats.
Un hiver difficile prévu en Europe
L’Europe se dirige vers une récession en réponse à un choc externe important. Les flux de gaz de Russie vers le continent ont fortement baissé à 10 % de leurs niveaux de 2021, entraînant une flambée des prix du gaz. La guerre russe en Ukraine ne montre aucun signe d’apaisement. La Russie a décidé d’une mobilisation partielle de sa population après une contre-offensive ukrainienne plutôt réussie. Cette hausse des prix de l’énergie pèse sur le revenu disponible réel des consommateurs et augmente les coûts des entreprises, entraînant de nouvelles réductions de la production. La flambée de l’inflation globale due à l’énergie à 10,7 % en variation annuelle4 a porté la confiance des ménages à un point bas historique, laissant l’Europe dans une situation difficile.
Zoom sur la politique budgétaire
L’Union européenne (UE) vise à définir l’orientation et la vitesse de la restructuration de sa politique énergétique par le biais de la stratégie REPowerEU. Toutefois, des décisions cruciales en termes de politique énergétique ont été prises par les États-membres de l’UE au niveau national. Dans un effort de protection des consommateurs européens contre la hausse des prix de l’énergie, les gouvernements européens ont investi 573 milliards d’euros, dont 264 milliards fournis par l’Allemagne à elle seule. Dans la plupart des pays européens, la réglementation et les taxes sur l’énergie sont définies au niveau national. Le schéma ci-dessous illustre le financement alloué par certains pays européens pour protéger leurs ménages et leurs entreprises contre la hausse des prix de l'énergie et ses conséquences sur le coût de la vie.
Schéma 3 : Financement consacré et alloué par les gouvernements européens
Source : Bruegel, WisdomTree au 31 octobre 2022.
La performance passée ne présage pas de la performance future et la valeur de tout investissement peut évoluer à la hausse comme à la baisse.
Pas encore de pivot pour la BCE
Nous avons vécu une décennie d’inflation presque inexistante et d’assouplissement quantitatif en Europe. Nous sommes désormais entrés dans une phase où la Banque centrale européenne (BCE) a procédé au troisième relèvement consécutif de son taux directeur5 cette année, réalisant ainsi des avancées importantes dans le retrait de sa politique monétaire accommodante. La BCE reste impatiente de faire des choix politiques dominés par les risques plutôt que par le scénario central en vertu duquel de nouveaux relèvements sont à prévoir. Si l’inflation de la zone euro continue de surprendre à la hausse, la BCE devra continuer de relever ses taux et de déterminer quand activer l’Instrument de Protection de la Transmission (« Transmission Protection Instrument » ou TPI) afin d’apporter son soutien aux pays périphériques. Nous prévoyons que la BCE portera son taux de rémunération des dépôts à 2,5 % en mars car elle continue d’entrevoir des risques d’inflation haussière à court et long terme.
Un cycle de durcissement dans un contexte macroéconomique n’a jamais été profitable aux actions. Les actions européennes font face à un environnement extrêmement délicat mêlant niveau élevé des prix de l'énergie, pressions croissantes sur les coûts, estimations négatives des révisions bénéficiaires et ralentissement de la croissance. Sur fond de correction des marchés d’actions au premier semestre de cette année, les actions européennes se négocient actuellement à un ratio cours/bénéfices de 14.3, soit la prime la plus élevée par rapport à sa moyenne à long terme de 21 par rapport aux autres principaux marchés. Le risque d’une récession d’une certaine ampleur est actuellement intégré aux marchés d’actions européens.
Schéma 4 : Les valorisations des marchés d’actions mondiaux
Source : Bloomberg, WisdomTree au 28 octobre 2022.
La performance passée ne présage pas de la performance future et la valeur de tout investissement peut évoluer à la hausse comme à la baisse.
Conclusion
Si nous sommes d’avis que l’économie mondiale devrait éviter une crise généralisée, nous tablons sur une série de récessions localisées et cantonnées à certains pays à différents moments. Fait évident qui ressort des statistiques récentes, la crise aux États-Unis est prévue pour le deuxième semestre 2023 tandis que la zone euro et le Royaume-Uni entreront en récession d’ici le 4ème trimestre de cette année. Contrairement au reste des principales banques centrales de la planète, la Chine et le Japon devraient maintenir une politique monétaire accommodante, ce qui devrait amortir une partie du ralentissement. Compte tenu d’un environnement fortement incertain, les investisseurs pourraient envisager d’investir dans les actions américaines et chinoises tout en réduisant potentiellement la pondération des actions européennes. Au niveau des facteurs, nous continuons d’être exposés aux facteurs ‘value’, dividende et qualité en raison des prévisions d’anémie de la croissance économique, de la hausse des taux et d’une inflation élevée.
Sources
1 Source : Ministère des Finances taïwanais.
2 Source : Bloomberg au 25 août 2022.
3 Source : Bloomberg, Indice S&P 500 au 4 novembre 2022.
4 Source : Eurostat au 31 octobre 2022.
5 Source : Au 27 octobre 2022.
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